coquelicots
mardi 30 avril 2013
le deuil çà n'existe pas
Catherine Dolto à propos de sa mère Francoise Dolto et du deuil
Une illustration vivante de la formule de sa mère : Une bonne mère, c'est une mère qu'on peut quitter
«Je n’adhère pas à la «dolto-lâtrie fusionnelle» de certains, et même je la redoute. Je ne me
sens pas blessée quand on la critique. Je trouve cela normal et même sain. Mais je souffre
quand on l’insulte parce que là il ne s’agit plus de Françoise Dolto mais de ma mère.
Au fil du temps, j’ai appris à trouver la bonne distance avec tout ce qui s’est noué autour de
son oeuvre et de sa personne. Une femme est passée, une oeuvre demeure.
Comment faire face à ce reste-là avec dignité ? Comment être digne de ces parents-là ?
J’ai appris qu’être ayant droit, c’est avant tout être ayant devoir
Quand ma mère est morte, je me sentais très bien. J’étais sereine, certaine de l’avoir accompagnée, en famille, du mieux possible. Nous avions ri et pleuré avec elle jusqu’aux derniers moments, nous avions longuement parlé de notre séparation à venir et, à part une recette de cuisine restée imprécise, rien ne semblait manquer à mon héritage. Très vite, j’ai compris que cette sérénité était incompréhensible, voire scandaleuse, aux yeux de certains. « Vous êtes dans l’euphorie du deuil, c’est classique, mais vous allez vous effondrer », me dirent deux ou trois collègues de ma mère. C’est tout juste si on n’ajoutait pas : « Rassurez-vous, le pire est forcément à venir.»… J’attends toujours. Au même moment, je me suis trouvée entourée de proches de Françoise que je devais consoler, me disant parfois que c’était quand même ma mère et non la leur qu’ils pleuraient avec tant de souffrance. C’était idiot, je l’ai vite compris. Évidemment qu’elle était leur mère aussi, s’ils le voulaient ! Après tout, je ne savais pas ce qu’elle était pour eux, ni en quoi cela me concernait. Leur deuil n’enlevait rien au mien. C’est ainsi que j’ai compris ce que chacun sait mais que l’on ne saisit qu’en le vivant : le deuil, ça n’existe pas. Il est à l’image du lien que l’on entretenait avec la personne qui est morte, et ce lien perdure, lui. Ainsi, mon deuil ressemblait à cette relation, profonde mais légère à vivre. Il était léger et, dans une certaine mesure, joyeux. Cela n’exclut ni les larmes ni le chagrin. Mais cela modifie le manque. Le vide laissé est peuplé ou hanté de souvenirs plus ou moins heureux ; dans notre cas, j’ose avouer que les souvenirs heureux prédominent. Même le souvenir du moment précis de sa mort, s’il est émouvant, n’est jamais triste, au point que cela m’a interrogée. La vérité, c’est qu’elle nous avait pris par la main pour entrer dans le début du deuil avec nous.
Elle-même me montrait ainsi la place qu’il convient de donner aux choses, et la manière de ne pas se laisser encombrer par la sacralisation des lieux, des objets… ou des humains. C’est l’attitude qu’elle m’a implicitement conseillée.En dédramatisant sa mort, elle nous permettait de dédramatiser notre deuil. On me dit parfois avec commisération que ça doit être bien dur d’avoir une mère célèbre, ou d’être la fille de cette femme-là. Ce qui est lourd, c’est ce que les autres projettent sur vous. Cela aurait été dur d’assumer ce poids si nous ne nous étions pas aimées, si cela n’avait pas été elle et si ça n’avait pas été moi.
Un jour, une dame m’a demandé avec gentillesse si je n’en avais pas assez d’être toujours dans l’ombre de ma mère, et je me suis entendue lui répondre spontanément, comme une évidence, que je m’étais plutôt toujours sentie dans sa lumière. Il y avait, en effet, dans sa façon d’aimer quelque chose de doux et de chaud.
trouvé sur le site info culture
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une émission avec Catherine Dolto sur France Info :
Une bonne mère, c'est une mère qu'on peut quitter...
contenir plutôt que cadrer
un enfant c'est au moins deux adultes
dans notre culture, nous privilégions l'effectivité plutôt que l'affectivité
autour de l'haptonomie :
nous n'exprimons pas les mêmes gènes suivant ce que nous vivons dans le ventre de notre mère et pendant notre naissance :
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thérapique..tu paies pas..
Emma la clown et Catherine Dolto en conférence :
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dimanche 28 avril 2013
bravi ragazzi
Fabio Biondi, violoniste avec ce concerto d'Antonio Vivaldi
pure joie, comme souvent avec Vivaldi
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samedi 27 avril 2013
too late for sustainibility
Too late for sustainibility
Trop tard pour le développement durable, il faut viser la résilience
c'est le diagnostic d'un spécialiste Dennis L. Meadows,
qui tirait déjà la sonnette d'alarme en 1972
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vendredi 26 avril 2013
plaidoyer pour le végétarisme
Jacques Nicolas ( Mundara ) me transmet ce document, qui est un plaidoyer pour le végétarisme,
document de base pour les conférences qu'il anime dans toute la France sur le sujet :
sur le végétarisme
( fichier au format pdf compressé )
voici quelques extraits que j'ai trouvé intéressants :
Tout d'abord un tableau comparant l'anatomie de diverses classes d'animaux, classés suivant leur alimentation. Les êtres humains s'apparentent plutôt aux herbivores plutôt qu'aux omnivores ( on nous a appris que l'homme est un omnivore ). En particulier, son intestin très long ne semble pas adapté à la digestion des viandes.
Ici, sur les manques supposés des végétariens en Fer, Vitamine B12 et Calcium :
Ici, une liste d'aliments permettant de compenser ( si besoin.. ) l'absence de viande dans l'alimentation humaine :
Quelques chiffres sur l'impact de l'élevage sur l'écologie de la planète et sur l'écologie de la population humaine :
- 1/3 des céréales produites dans le monde sert à nourrir le bétail des pays riches.
- 25.000 personnes meurent de faim tous les jours (9 millions par an).- On peut nourrir une personne en protéines végétales (pour 1 an) avec une surface
de terre de 0,16 hectare. L'équivalent en protéines animales exige 2 hectares.
- En Europe, environ 80 % des terres agricoles sont employées pour le bétail.
- Si les américains ( U.S.A.) diminuaient seulement de 10% leur consommation de
viande, la quantité de céréales ainsi dégagée permettrait de nourrir 60 millions de personnes par an, donc presque 7 fois plus que le nombre de morts de faim en 1 an (environ 9 millions )
- Aux États-Unis, environ 90% des céréales et des graines produites vont à la nourriture des animaux de viande. Ces 90% pourraient nourrir 1,4 milliard d'êtres humains.
J'ai décidé il y a quelques années de limiter ma consommation de viande à une fois par semaine.
Mon argument était géopolitique et écologique avant tout mais Jacques Nicolas nous dit que l'argument déterminant pour nous décider est le plus souvent notre rapport à la souffrance animale lorsque nous la voyons en direct, d'où le mot d'ordre : Visitez les abattoirs..
Tu dis que tu aimes les fleurs, tu les coupes.
Tu dis que tu aimes les bêtes, tu les manges.
Tu dis que tu aimes les oiseaux, tu les mets en cage.
Quand tu dis que tu m'aimes, j'ai peur!
Tu dis que tu aimes les bêtes, tu les manges.
Tu dis que tu aimes les oiseaux, tu les mets en cage.
Quand tu dis que tu m'aimes, j'ai peur!
Jacques PREVERT
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samedi 20 avril 2013
a touch is a blow
Une citation de la romancière américaine Pearl Buck qui décrit une ambiance très 4 ( dans l'énnéagramme ) :
"The truly creative mind in any field is no more than this : A human creature born abnormally, inhumanly sensitive. To him... a touch is a blow, a sound is a noise, a misfortune is a tragedy, a joy is an ecstasy, a friend is a lover, a lover is a god, and failure is death. Add to this cruelly delicate organism the overpowering necessity to create, create, create — so that without the creating of music or poetry or books or buildings or something of meaning, his
very breath is cut off from him. He must create, must pour out creation. By some strange, unknown, inward urgency he is not really alive unless he is creating."
« Quel que soit son domaine de création, le véritable esprit créatif n'est rien d'autre que cela :
une créature humaine née anormalement, inhumainement sensible. Pour lui, un effleurement est un choc, un son est un bruit, une infortune est une tragédie, une joie devient extase, l'ami un amoureux, l'amoureux est un dieu, et l'erreur est fatale. Ajoutez à cet organisme si cruellement délicat l'impérieuse nécessité de créer, créer, et encore créer – au point que sans la possibilité de créer de la musique, de la poésie, des livres, des édifices, ou n'importe quoi
d'autre qui ait du sens, il n'a plus de raison d'être. Il doit créer, il doit délivrer de la créativité.
Par on ne sait quelle étrange urgence intérieure, inconnue, il n'est vraiment vivant que lorsqu'il est en train de créer. »
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rester avec la souffrance
Un bel entretien avec Isabelle Padovani,
Question d'une 2 ( dans l'énnéagramme ) : comment faire avec la souffrance de l'autre ?
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samedi 13 avril 2013
par sa seule présence
une présentation très vivante, pétillante d'Albert Einstein par Francoise Balibar :
voici quelques points qui m'ont intéressé ou amusé :
Logic will get you from A to B
Imagination will take you everywhere
La logique vous mène d'un point A à un point B.
L'imagination vous mènera partout !
L'enfant à trois ans se met à parler :
- pourquoi ne parlais tu pas ?
- je n'avais pas besoin !
"perturbe la classe par sa seule présence"
[ c'est la relativité générale avant la lettre ! ]
quitte l'Allemagne à 15 ans
un cancre qui est rentré à Polytechnique ( Polytechnique de Zürich )
Il ne s'en laissait pas compter par les autorités et entretenait une méfiance par rapport à ce qui est écrit
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mercredi 10 avril 2013
la mer plus petite que soi
Ginette Reno, une grande chanteuse canadienne que je découvre,
en 1975, dans une belle chanson ( de 1969 ) de Jean-Pierre Ferland ( québequois lui aussi )
un peu plus haut, un peu plus loin
Ici, dans la même chanson, avec Céline Dion en 2008 devant 250000 personnes à Montréal
( avec une ambiance très 2 - dans l'énnéagramme - ! ) :
il y a des perles dans le texte comme celle-ci :
la mer plus petite que soi
merci Danielle
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samedi 6 avril 2013
qi-gong et voix Paris Juin 2013
Un stage Qigong et Voix animé par Paco Rodriguez aura lieu les 15 et 16 Juin prochain
en proche banlieue parisienne ( à Boulogne et/ou à Gentilly )
Si vous êtes interessé, contactez moi à l'adresse email suivante : e.jaskolski@free ( Eric Jaskolski )
Voici le flyer du stage :
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vendredi 5 avril 2013
le temps du silence
Je suis ravi que ce film autour d'Ivry Gitlis, le violon sans frontières soit depuis peu visible sur Youtube, c'est un bijou de vie et de sensibilité
Gitlis, un personnage haut en couleur, proche de l'enfance,
Beaucoup d'âme dans son jeu de violon, le seul !
Voici quelques morceaux de dialogues, savoureux, glanés dans le film :
il n'y a pas de silence, çà n'existe plus
c'est très mauvais pour la musique, très mauvais pour les musiciens
la musique c'est le silence
on ne peut pas peindre sur un canevas qui est déjà plein d'autres choses
on ne peut pas remplir un verre d'eau qui est déjà plein
enfant prodige ?
chaque enfant est un prodige déjà
on commence à l'éduquer et c'est fini
j'ai rien choisi..
comme dit un proverbe juif : "de deux solutions, prends la troisième !"
des machines, on en a !
pour la destruction, on a tout ce qui faut !
des canons etc..
pour la construction, on doit passer plus de temps
la vie c'est un travail déjà
alors pourquoi travailler ?
(..) le mot discipline, c'est pour moi mauvais..
entendre la note
la note ne pouvait pas faire autre chose que de sortir
pour être un bon violoniste, il faut aussi être d'autres choses
(..) musicien, parleur.. blabla
merveilleuse sicilienne à 26:00
la rencontre des âmes et la rencontre des hommes
(..) l'intimité dans la musique
qui est là pour nous vendre quoi que ce soit sur cette terre ?
Ivry Gitlis avec Léo Ferré
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lundi 1 avril 2013
une ONG du Sud
La multinationale du développement
Né au Bangladesh, le BRAC est devenu la plus grande ONG du monde, avec 130 millions de bénéficiaires. Cette gigantesque organisation lance ses programmes comme une entreprise qui cherche à gagner des parts de marché.
Ci-dessous un article du Monde ( de Julien Buissous ) sur une ONG assez éloignée de ce qu'on imagine, une expérience très étonnante menée depuis le Bangladesh par Fazle Hasan Abed.
L'article, un peu long, n'est visible que dans l'édition abonnés du Monde.
Bonne lecture ! ( ici : l'article complet en pdf )
Fazle Hasan Abed |
En plein coeur de Dacca, une tour en béton de 60 mètres de hauteur surplombe un vaste et plat bidonville. On entre dans ce bâtiment austère de 20 étages par des portiques de sécurité, comme dans le siège de n'importe quelle multinationale, sauf qu'ici l'ascenseur mène aux étages « éducation », « lutte contre le changement climatique » ou encore « programmes à destination des ultrapauvres ».
Le BRAC est la plus grande ONG du monde, avec près de 120 000 employés répartis dans dix pays, en Afrique et en Asie. Elle serait aussi la meilleure, d'après un classement publié en janvier par le magazine suisse Global Journal, qui a retenu pour son étude les critères de l'« impact », de l'« innovation » et de la « durabilité ». La réussite du BRAC, la voici : entre 1990 et 2010, l'espérance de vie a progressé au Bangladesh de dix ans et le taux de mortalité infantile y a diminué de moitié. Le taux de scolarisation des filles a, lui, doublé entre 2000 et 2005, passant à 90 %. Depuis sa création, en 1972, sous le nom de Bangladesh Rural Advancement Committee, cette organisation gigantesque, qui forme 1,1 million d'enfants par an dans ses 38 000 écoles et emploie 100 000 auxiliaires de santé dans les villages, a révolutionné l'approche du développement.
Son fondateur, Fazle Hasan Abed, habillé d'un élégant costume sombre à fines rayures, travaille au dernier étage de la tour, dans un bureau encombré de livres et de trophées. Son aventure dans le développement commence par la lecture de Pédagogie des opprimés (1970), écrit par le Brésilien Paulo Freire. « J'ai compris que le changement devait venir des habitants eux-mêmes et qu'il fallait pour cela les émanciper, leur donner confiance en eux-mêmes. Bref, qu'ils puissent devenir eux-mêmes les acteurs du changement », raconte Fazle Hasan Abed, en s'appuyant sur sa canne en bois verni.
La lutte contre la pauvreté doit donc d'abord s'attaquer aux inégalités et aux rigidités sociales qui empêchent le progrès. Au début des années 1970, Fazle Hasan Abed, aujourd'hui âgé de 76 ans, quitte son travail d'expert-comptable chez Shell, vend son petit appartement à Londres et commence à donner des cours du soir dans des villages puis à construire des écoles, sans pour autant devenir un révolutionnaire. Car il faut aussi de l'argent et créer des emplois pour lutter contre la pauvreté.
L'organisation qu'il a bâtie regroupe, entre autres entreprises, une banque, des élevages de poulets, une laiterie, des champs de thé et une société de services informatiques. Le tout génère près de 3 % du PNB du Bangladesh, mais les profits importent peu. Les entreprises sont là pour donner aux millions de fermiers et d'entrepreneurs un accès au marché. Une laiterie a été construite pour offrir un débouché aux éleveurs de vaches, et un laboratoire vétérinaire d'inséminations artificielles les aide à augmenter leur production de lait. Les profits ne servent pas à rémunérer des actionnaires, mais à financer les programmes de développement. C'est ainsi que les nuggets de poulet, les yaourts qui sortent des usines BRAC servent à former des hauts fonctionnaires ou à construire des écoles. Quatre-vingts pour cent des programmes de développement sont financés en interne. « Un gage de développement et de stabilité », se félicite Fazle Hasan Abed.
Rien, ou presque, n'échappe au BRAC : lutte contre la malnutrition, éducation, justice, adaptation aux changements climatiques, microcrédit, santé... ses services se superposent quasiment à ceux de l'Etat. Si le BRAC ne rend pas la justice, il offre en revanche les services d'avocats aux plus démunis pour qu'ils se rendent aux tribunaux.
Ainsi, par exemple, à trois heures de route de Dacca, dans le district de Kapasia. Assis dans une petite salle d'attente, un homme a encore les taches du sang de sa fille, laissées sur son sarong lorsqu'il l'a transportée à l'hôpital après qu'elle eut été violée par un voisin. « Je n'aurais probablement jamais eu le courage d'aller au tribunal sans l'aide du centre. Chaque fois que je me rends au tribunal, c'est une journée de travail et de l'argent de perdu, et puis surtout le conseil du village me menaçait de représailles si je portais plainte. » A ses côtés, une adolescente, qui dissimule son visage derrière son sari, est venue accompagnée de sa mère pour demander des conseils : « Mon mari me bat et réclame une dot supplémentaire. Dans le village, il n'y a personne pour me défendre et en tant que femme c'est difficile d'aller au tribunal. Alors le centre tente une médiation. »
Dans cette même région, beaucoup d'habitants sont partis travailler à l'étranger. Mais l'émigration est une entreprise risquée. Des intermédiaires vendent de faux visas, de faux passeports ou promettent des emplois contre de l'argent. Le BRAC a donc formé des habitants pour aider les villageois à se prémunir contre ces fraudes. Dans la cour d'un village, un homme au corps musculeux, un pagne noué autour des hanches, anime une réunion, assis en tailleur sur une natte. « Depuis que nous sommes unis, les intermédiaires n'osent pas nous arnaquer », se réjouit Fazlul Haque Sikder.
Les visas distribués aux candidats à l'émigration sont désormais automatiquement envoyés au bureau du BRAC, qui vérifie leur authenticité auprès des ambassades. « Ils sont à notre service, ils nous aident à nous organiser. Eux, au moins, ne sont pas comme les fonctionnaires qui ne viennent qu'une fois par an et qui, après nous avoir serré les mains, vont se les laver », grommelle un participant.
Ces propos font sursauter une des responsables du BRAC, qui l'interrompt, d'un air gêné : « Nous ne critiquons jamais le gouvernement. Nous sommes là pour l'aider. » Pour l'ONG, gérer la relation avec le gouvernement est un exercice délicat. Fazle Hasan Abed a construit son organisation comme on fonde une nation, au risque de faire ombrage aux partis politiques. Muhammad Yunus, l'un des inventeurs de la microfinance, l'a appris à ses dépens, puisqu'il a été démis de ses fonctions à la tête de la Grameen Bank en 2011 par le gouvernement, après qu'on lui eut prêté des intentions de se lancer en politique.
Fazle Hasan Abed sait qu'il y a une ligne jaune à ne pas franchir, mais n'entend pas pour autant se taire. Lorsque le gouvernement planche sur la construction de réacteurs nucléaires dans un pays aussi densément peuplé que le Bangladesh, il s'empare discrètement de la question : « On a beaucoup de gens derrière nous et, bien évidemment, si des décisions nous semblent inappropriées, nous le faisons savoir au gouvernement. » Plutôt que de faire concurrence aux fonctionnaires, le BRAC préfère d'ailleurs les former. L'organisation possède une université, qui les accueille pour de courts séminaires. « Nous les formons pour qu'ils ne deviennent pas des bureaucrates mais des professionnels du développement », justifie le professeur Ainun Nishat, le vice-recteur de l'université BRAC.
Le géant du développement lance ses programmes comme une entreprise chercherait à gagner des parts de marché, en partant des attentes et des besoins des communautés. Chaque projet pilote est testé, perfectionné, élagué. Les programmes sortent ensuite du BRAC comme d'une usine : à grande échelle. Avec près de 130 millions de bénéficiaires dans le monde, l'organisation a fait sien le slogan « big is necessary ».
La lutte contre la pauvreté passe surtout par l'innovation. « Il faut faire tomber les barrières entre les différents domaines d'activité », explique Maria May, qui a rejoint le laboratoire d'innovation sociale du BRAC à sa sortie d'Harvard. Après qu'un employé d'un centre d'aide juridique eut fait remarquer que les litiges fonciers conduisaient à de nombreux meurtres, des centaines de géomètres furent formés pour mesurer les terres. L'innovation consiste aussi à faire remonter les idées des bénéficiaires. C'est, par exemple, une villageoise qui a trouvé le meilleur moyen de conserver la température des oeufs pendant leur transport, en les enveloppant dans des feuilles de bananier. Les idées d'un bénéficiaire, démuni et sans éducation, valent autant, sinon mieux, que celles d'un expert en développement, descendu de son 4 x 4 luxueux.
Le BRAC, né dans un pays pauvre et fondé par un ancien expert-comptable, est très soucieux de la maîtrise de ses coûts. Dans ses écoles, les calendriers ont été conçus de manière qu'ils ne soient pas remplacés chaque année. Les salaires de ses employés ne représentent qu'une infime fraction de ce que touchent les expatriés d'autres ONG occidentales et ses véhicules ne sont pas aussi rutilants. « Plus on réduit les coûts, plus on peut faire de choses », dit simplement Asif Saleh, le directeur de la stratégie.
Le succès du BRAC sonne-t-il le glas d'un modèle de développement pensé et mis en oeuvre par les ONG occidentales ? Une organisation originaire du « Sud » est-elle mieux à même de contribuer au développement du Sud ? « La distinction entre le «Sud» et le «Nord» est artificielle, nuance Maria May. Ce qui compte avant tout, c'est d'engager un dialogue avec les populations locales pour trouver avec elles des solutions locales, en faisant fi des préjugés. » A l'étranger, les employés du BRAC sont rarement bangladais. Mais les origines de l'organisation sont parfois un atout. « Dans le sud de l'Afghanistan, en pleine zone de talibans, nous envoyons des filles à l'école. Les habitants nous font confiance car nous avons mis en place des comités de parents d'élèves auxquels nous présentons les cursus d'enseignement et parce que nous ne sommes pas occidentaux », reconnaît Asif Saleh.
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