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dimanche 3 juin 2012

le procès du bonheur


un billet de Francois Morel sur France Inter, le procès du bonheur :


Le texte est magnifique
Le voici tel qu'il est donné par l'auteur sur le site de France Inter  en réponse aux nombreux commentaires de sa chronique. ( NB : c'est moi qui est mis en grands caractères certaines parties du texte )
Je vous propose de le lire à voix haute vous-même :

« Ne me parlez pas du bonheur : c’est un salaud. Un vrai salaud, un dissimulateur. Un sale type qui se cache. Un sale mec qui ne joue pas franco. C’est un genre de cambrioleur. Un pickpocket. Un détrousseur. Quand il est là, dans la maison, entre les quatre murs, il est invisible. Il se cache, il se camoufle, on ne sait pas qu’il est là. Salaud de bonheur ! Il entre par effraction. Il est malin… Il est maquillé, il ne dit pas son nom. Mais, c’est quand il part qu’on s’aperçoit de son absence… C’était donc ça le bonheur… La vie, avec des projets, des sourires, des dîners aux chandelles. La vie avec des voyages, des amis, du Médoc, des petits farcis, des déjeuners au soleil, de l ‘insouciance et des roses trémières. C’était donc ça le bonheur ? La vie avec un chien qui gambade, un enfant qui réussit pour la première fois à faire du vélo sans les stabilisateurs, une femme à la peau douce, un Chasse-Spleen empoussiéré, oublié puis retrouvé dans la cave… C’était donc ça le bonheur. On ne l’a pas vu venir. On l’a juste entendu s’en aller…
Ne me parlez pas du bonheur : c’est une ordure. Une belle ordure qui ne se conjugue qu’au passé. Un salopard, un beau fumier ! »
L’accusation était violente. Le ton était grave. L’homme qui s’exprimait avait les larmes aux yeux, des sanglots dans la gorge.
Le bonheur restait impassible. Il écoutait son procès sans réagir. Comme sonné, à terre, humilié. Une fois de plus, il était ailleurs.
« Qu’avez vous à répondre ? » interrogea le juge.
Le bonheur resta muet, comme absent. Comme si son procès ne le concernait pas.
« Je vous ai posé une question, s’énerva le juge. Je vous ai demandé ce que vous aviez à répondre ! »
L’avocat de la défense se leva. Il avait l’air un peu narquois. Il tenait entre les mains une boîte à chaussures… « Si monsieur le juge le permet, j’aimerais présenter à la cour, à mesdames et messieurs les jurés certains documents particulièrement saisissants… »
De la boîte à chaussures, il sortit des photos…
Sylvie, les cheveux défaits sur la plage de la Baule. Corentin en train de jouer de la trompette. Jean-Jacques et Patrick au sommet du Ventoux. Papy jouant au Scrabble avec Charlotte. Charlotte et Corentin faisant un spectacle sous les châtaigniers…
Le bonheur était là, sur chacune des photos… Éclatant, évident, lumineux. De main en main, les photos passaient. On voyait des sourires émus sur les visages du greffier, de l’avoué, du procureur…
Chacun, en découvrant les photos de la boîte à chaussures, voyait bien que le bonheur sautait aux yeux. Il n’était pas le salaud infâme dont on venait de faire le procès. Même l’accusateur fut bien obligé d’en convenir. Sous les injures et les quolibets, il quitta la salle d’audience.
Le bonheur, lui, sous les bravi et les acclamations, fit un signe de la main. On tenta de l’interroger, de lui faire dire quelques mots. Mais personne ne put réussir à le retenir.
Il était déjà loin…


merci Claire

fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve..

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