Magnifique texte trouvé sur le site de José Le Roy, proposé par Patrice Sammut, un texte de Dilgo Khyentse Rinpoche.
Dilgo Khyentse Rinpoche est un grand maitre
du bouddhisme tibétain du XXème siècle, c'est notamment le maître de Matthieu Ricard.
Le
dzogchen est une pratique du bouddhisme tibétain, centrée sur l'expérimentation
directe dans la vie quotidienne.
Dilgo Khyentse avait un charisme hors du commun, comme on peut (peut-être !) voir dans la photo ci-dessous, choisie par José le Roy pour illustrer son article.
Dans le texte, c'est moi qui ai mis certains passages en caractères gras, des passages qui me touchent
particulièrement.
La pratique quotidienne du Dzogchen, c'est
simplement développer une acceptation totale, une ouverture sans limite à
toutes les situations.
Nous devons réaliser l'ouverture en tant
que champ de jeu de nos émotions et (nous devons) interagir avec les gens sans
artificialité, manipulation ou stratégie.
Nous devons tout expérimenter de manière
totale, sans nous renfermer en nous-mêmes comme une marmotte qui se cache dans
son terrier. Cette pratique libère une énergie énorme qui est habituellement
entravée par le processus (consistant à) préserver des points de référence. La référentialité est le processus grâce auquel nous nous retirons de l'expérience
directe de la vie quotidienne.
Etre présent à l'instant peut initialement
déclencher de la peur. Mais en accueillant la sensation de peur dans une
complète ouverture, on tranche à travers les barrières créées par les schémas
émotionnels habituels.
Lorsque nous nous engageons dans la
pratique de la découverte de l'espace, nous devons développer la sensation de
nous ouvrir nous-mêmes complètement à l'univers entier. Nous devons nous ouvrir
nous-mêmes avec une simplicité et une nudité absolues de l'esprit. C'est la
pratique puissante et ordinaire (qui consiste à) laisser tomber le masque de
l'auto-protection.
Nous ne devons pas faire de distinction
dans notre méditation entre perception et champ de perception. Nous ne devons
pas devenir comme un chat qui surveille une souris. Nous devons réaliser que le
but de la méditation n'est pas d'aller profondément en nous-même ou de nous
retirer du monde. La pratique doit être libre et non-conceptuelle, non entravée
par l'introspection et la concentration.
L'espace de sagesse auto-lumineux, non-né
et vaste est la base d'être - le commencement et la fin de la confusion. La
présence de la conscience dans l'état primordial n'incline ni vers l'éveil, ni
vers le non-éveil. Cette base d'être nommée esprit pur ou originel est la
source d'où apparaissent tous les phénomènes. Elle est aussi appelée la grande
mère car (c'est la) matrice des potentialités dans laquelle toute chose
apparaît et disparaît en une auto-perfection naturelle et une spontanéité
absolue.
Tous les aspects des phénomènes sont
totalement clairs et cristallins. L'univers entier est ouvert et non-obstrué -
tout s'interpénètre mutuellement.
Lorsqu'on voit toutes choses dans leur
nudité, claires et dénuées d'obscurcissement, il n'est nulle part où parvenir
ni rien à obtenir ou à réaliser. La nature des phénomènes apparaît
naturellement et est naturellement présente dans la conscience qui transcende
le temps. Tout est naturellement parfait juste tel quel. Tous les phénomènes
apparaissent dans leur unicité en tant que parties du schéma qui change
constamment. Ces schémas vibrent de sens et de signification à chaque instant,
et cependant il n'y a aucune signification à lier à de tels sens au-delà du
moment où ils se présentent.
C'est la danse des cinq éléments dans
laquelle la matière est un symbole de l'énergie et l'énergie un symbole de la
vacuité. Nous sommes un symbole de notre propre éveil. Sans aucun effort ou
pratique du tout, la libération ou l'éveil sont déjà ici.
La pratique quotidienne du dzogchen est
juste la vie quotidienne elle-même. Comme l'état sans développement n'existe
pas, il n'est pas besoin de se comporter de quelque manière spéciale ou
d'essayer de parvenir à quoi que ce soit au-dessus ou au-dessous de ce que vous
êtes actuellement. Il ne doit pas y avoir de sentiment de faire un effort pour
parvenir à un 'but extraordinaire' ou un 'état supérieur.'
S'efforcer d'atteindre un tel état est une
névrose qui ne fait que nous conditionner et (ne) sert qu'à obstruer le courant
libre de l'Esprit. Nous devons aussi éviter de penser que nous sommes des gens
sans valeur – nous sommes naturellement libres et non-conditionnés. Nous sommes
intrinsèquement éveillés et il ne nous manque rien.
Lorsque nous nous engageons dans la
pratique de la méditation, nous devons sentir que c'est aussi naturel que
manger, respirer ou déféquer. Ce ne doit pas devenir un événement spécial ou
formel, enflé de sérieux et de solennité. Nous devons réaliser que la
méditation transcende l'effort, la pratique, les souhaits, les buts et la
dualité libération/non-libération. La méditation est toujours idéale. Il n'est
pas besoin de corriger quoi que ce soit. Comme tout ce qui apparaît est
simplement le jeu de l'esprit lui-même (litt : en tant que tel), il n'y a pas
de méditation non satisfaisante et il n'est pas besoin de juger que les pensées
sont bonnes ou mauvaises.
Aussi nous devons simplement nous asseoir.
Simplement demeurer à notre propre place, dans notre propre condition tels
quels. Oubliant les sentiments de conscience de soi, nous n'avons pas à penser
: 'je suis en train de méditer.' Notre pratique doit être sans effort, sans
contrainte, sans tentative de contrôler et forcer et sans essayer de devenir
paisible.
Si nous découvrons que nous nous perturbons
nous-mêmes de la sorte, nous arrêtons la méditation et nous demeurons
simplement, ou nous nous relaxons un moment. Puis sous reprenons la méditation.
Si nous avons des expériences 'intéressantes', soit pendant soit après la
méditation, nous devons éviter de réagir vis-à vis d'elles, de quelque manière
que ce soit. Passer du temps à penser aux expériences est juste une distraction
et une tentative de devenir non-naturel. Ces expériences sont juste le signe
que nous pratiquons et on doit les considérer comme des événements
transitoires. Nous ne devons pas essayer de les ré-expérimenter car en faisant
cela, nous ne faisons que dénaturer la spontanéité naturelle de l'esprit.
Tous les phénomènes sont complètement
nouveaux et frais, absolument uniques et entièrement dénués de tout concept de
passé, présent et futur. Ils sont expérimentés hors du temps.
Le flux/continuum de découverte nouvelle,
de révélation et d'inspiration qui survient à chaque instant est la
manifestation de notre clarté. Nous devons apprendre à voir la vie quotidienne
comme un mandala, la frange de l'expérience qui rayonne spontanément de la
nature vide de notre être. Les aspects de notre mandala sont les objets
quotidiens de notre expérience de vie qui évoluent dans la danse ou le jeu de
l'univers. Par ce symbolisme, le maître intérieur révèle la signification
profonde et ultime de l'être. Aussi devons-nous être naturels et spontanés, en
acceptant et apprenant de tout. Cela nous permet de voir le côté ironique et
amusant des événements qui d'habitude nous irritent.
Dans la méditation, nous pouvons voir à
travers l'illusion du passé, du présent et du futur – notre expérience devient
la continuité de 'l'ici et maintenant' (ang. : nowness). Le passé n'est qu'un
souvenir non fiable perdurant au présent. Le futur n'est que la projection de
nos concepts présents. Le présent lui-même disparaît dès que nous essayons de
la saisir. Aussi pourquoi se fatiguer à essayer d'établir une illusion de base
solide ?
Nous devons nous libérer de nos souvenirs
passés et des préconceptions sur la méditation. Chaque moment de méditation est
totalement unique et plein de potentialité. Dans de tels moments, nous serons
incapables de juger notre méditation en termes d'expérience passée, de théorie
sèche ou de rhétorique creuse.
Plonger simplement et directement dans la
méditation à l'instant présent, de tout notre être, sans hésitation, lassitude
ou excitation, c'est l'éveil.
merci José
rien à rajouter..