coquelicots

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samedi 23 octobre 2010

tout commence par des erreurs..

Hier, nous avons écouté le fameux "concert de Köln" de Keith Jarett avec toujours cette énergie bondissante
malgré le piano qui est une vraie casserole, particulièrement dans les aigus ( effectivement, au moment du concert, il y avait une grève et ce piano était le seul disponible...  )

J'ai voulu en savoir un peu plus sur le "bonhomme".
J'ai trouvé cet interview sur le net qui m'a frappé par l'acuité des images qu'il donne.
En voici ci-dessous des extraits significatifs, j'ai mis en gras les passages qui m'ont particulièrement frappés.
Certes, ce qu'il propose ne parait pas à la portée de n'importe qui mais je me demande en quoi cet art de l'improvisation dont il parle peut s'appliquer dans la vie "ordinaire"...

Interview de Keith Jarret: " L'improvisation est la seule façon d'être présent et fidèle à soi-même " par Paola Genone, publié le 09/05/2005

interview avec Keith Jarett dans l'Express, Mai 2005

Gurdjieff a influencé Jarrett au point que le pianiste lui a dédié un disque, Sacred Hymns. Gurdjieff enseignait que l'homme «ordinaire» est un être endormi et que seul un travail de méditation lui permet d'atteindre un certain niveau de conscience

La journaliste ( en réponse à la première question de Keith Jarett !! ) : "Je dois donc improviser?"

"Vous avez bien vu ce qui est marqué sur l'affiche accrochée au chêne dans mon jardin :
« Wild life crossing the road ( La vie sauvage traverse le chemin ) »
[ la vie sauvage surgit au travers du chemin ]
- C'est votre manifeste: l'improvisation...
- "Oui. C'est la seule façon d'être présent et fidèle à soi-même"

Au milieu des années 1960, Miles Davis venait écouter tous vos concerts. Un soir, au club Caméléon, à Saint-Germain-des-Prés, il vous a demandé: « Comment fais-tu? Comment peux-tu jouer à partir de rien ? »

Je m'en souviens très bien. Je lui ai répondu que je ne savais pas. Mais, en réalité, la question qui se pose est plutôt de savoir si un musicien conçoit le « rien » comme un « manque de quelque chose » ou comme « un plein » qui surgit spontanément. Quand je me suis assis au piano, lors de ces deux concerts au Japon, je n'avais aucune idée de ce que j'allais jouer. Pas de première note, pas de thème. Le vide. J'ai totalement improvisé, du début à la fin, suivant un processus intuitif. Une note engendrait une deuxième note, un accord m'entraînait sur une planète harmonique qui évoluait constamment. Je me déplaçais dans la mélodie, les dynamiques et les univers stylistiques, pas à pas, sans savoir ce qui se passerait dans la seconde suivante. Mais la musique ne naît jamais de la musique, ce serait comme dire qu'un enfant naît d'un enfant. Rien ne se crée à partir du rien. La musique est l'aboutissement d'années de travail et d'écoute, et cela est plus évident encore quand la création est faite dans l'instant. (..) La maxime de l'improvisateur est: "la sécurité en dernier" Il suit la « pensée du tremblement ».

(..) Il y a énormément d'improvisation dans les chants grégoriens, dans la musique pour orgue du XVIIIe siècle, dans la musique polyphonique et baroque. Pourquoi cette pratique s'est-elle perdue dans le classique?

Je viens de ce monde et je sais que, chez ces gens-là, on n'accorde pas à l'improvisation le respect qu'elle mérite. On en a peur, terriblement peur! Et il y une autre raison : la jalousie. Les pianistes classiques sont envieux de ceux qui peuvent s'asseoir au piano et construire un discours musical riche, sans partition. Un improvisateur a la possibilité d'apprendre à se connaître, de creuser en lui-même pour découvrir sa propre musique. Les pianistes qui ne font qu'interpréter sont des robots : au début, ils sont conditionnés puis ils se forgent leur maniérisme. Mais, en réalité, ils ne font rien pour eux-mêmes, à part développer un immense ego. Le public reconnaît leur interprétation mais, eux, ils ne savent pas qui ils sont.
(..) Si je joue du classique, je ne dois pas penser, alors que si j'improvise mon esprit doit être totalement présent et actif. Quand je me rends compte que mon état n'est pas propice à l'improvisation, je prends une partition de Bach et je fais ce que Bach me dit de faire.

(..) Vous voulez dire que tout commence par des erreurs?

- Et avec l'accident. Souvent, l'accident de l'improvisateur devient une couleur de plus sur la palette du compositeur. Lorsque j'étais enfant, j'ai entendu mon frère Chris, qui ne connaissait rien à la musique, jouer au piano des choses qui m'ont bouleversé. Il se lançait sur l'instrument sans avoir aucune idée de ce qu'il était en train de faire, en suivant exclusivement son émotion. Le résultat était «a-musical», et pourtant extraordinaire. Pendant des années, j'ai cherché à retrouver cette zone musicale que Chris avait créée accidentellement. J'ai voulu apprendre à provoquer des accidents de façon consciente. Faire des erreurs, être maladroit. Je me disais: « Qui es-tu pour juger de ce qui sonne juste ou faux? » Tout cela, non pas pour dégrader mon jeu, mais pour découvrir de nouveaux univers, que j'ai enfin trouvés dans Radiance. Il ne s'agit donc pas d'accidents venant du hasard...

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